La sontate pour piano en fa mineur Op.27 de Liapounov

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Qui ça Liapounov ?

Comme le dit sa page Wikipedia, Sergueï Mikhaïlovitch Liapounov (en russe : Сергей Михайлович Ляпунов) est un compositeur russe, né le 30 novembre 1859 à Iaroslavl et mort le 8 novembre 1924 à Paris. Il est aujourd'hui complètement oublié, sa musique a complétement disparu, et c'est une injustice car elle est d'une exceptionnelle qualité. Tout au plus certains érudits le connaissent-ils comme un obscur russe qui a terminé le cycle des études de Liszt.

Il y a des raisons à cela, la première c'est qu'il a continué à écrire dans le style du XIXème siècle alors que ses contemporains comme Debussy ou Puccini inventaient un nouveau langage, ce qui est beaucoup plus intéressant pour les musicologues. Et la deuxième, c'est que c'est un piano redoutablement difficile, réservé aux plus grands virtuoses, ceux qui ont dompté les pages les plus redoutables de Liszt ou Balakirev. Quel pianiste va prendre le risque de passer des mois entiers à mettre à son répertoire la musique d'un compositeur inconnu des spectateur ? Le grand chef soviétique Svetlanov a tenté un peu de défendre sa musique d'orchestre, et ses pièces pour piano peuvent encore être proposées en finale de concours de piano, mais c'est insuffisant pour le tirer de l'oubli.

Pourtant, pour qui a les moyens techniques de lire sa musique de piano, c'est un monde incroyable qui se révèle. Il y a là réunis le langage profondément original du Groupe des Cinq, tous autodidactes de génie dans une Russie qui s'ouvrait tout juste à la musique occidentale, et la maîtrise technique tant pianistique que compositionnelle qu'on pouvait acquérir une génération plus tard au conservatoire de Moscou.

Une bonne porte d'entrée dans cette musique est son unique sonate, son plus long morceau pour piano et l'un des plus mémorables. J'ai choisi pour cette page de n'en présenter que les thèmes, même si c'est souvent dans les développements que se trouvent les plus beaux passages... Les enregistrements sont du pianiste suisse Karl-Andreas Kolly

Une grande sonate d'un seul mouvement

Les classiques, Mozart, Haydn, Beethoven, et jusqu'à Schubert, écrivaient des sonates par dizaines. Les romantiques, Chopin, Schumann, Brahms, trois ou quatre. Et Liszt, une seule, en un seul mouvement, qui intègre les quatre mouvements traditionnels de la sonate classique dans un seul grand souffle tirant son origine de quelques motifs, comme un opéra de Wagner ou un poème symphonique, autre invention de Liszt. La volonté d'unité à travers toute l'oeuvre se manifeste à la fois dans la suppression des silences entre les mouvements, le fait que les thèmes ou motifs ne sont plus associés à un seul mouvement et peuvent se retrouver tout au long de la sonate, mais aussi dans la forme globale du morceau entier qui rappelle celui du premier mouvement de la sonate classique, le finale donnant ici l'impression d'une réexposition.

La sonate commence par un thème sombre et fataliste, risoluto assai, qui annonce la dialectique de l'oeuvre en cheminant déjà du fa mineur de départ vers ré bémol majeur avant d'y revenir.

Après un développement culminant sur la redite fortissimo de ce premier thème, un second, cantabile ed espressivo, toujours en fa mineur, introduit la dimension lyrique, plaintive de ce premier groupe thématique.

S'en suit un développement modulant, alternant les cinq premières notes du premier thème avec des éléments virtuoses rappelant les concertos de Chopin. Après une hésitation harmonique jouant sur l'ambiguité entre les accords de dominante de do et fa dièze, l'armure bascule vers deux dièzes à la clé pour amener ce troisième thème en ré majeur, dolcissimo molto con anima, qui présente le visage chopinien de ce premier mouvement.

Après la conclusion tonitruante du premier mouvement en ré bémol majeur, quelques mesures semblent improviser l'enharmonie qui fera passer de ré bémol à do dièze mineur, préparant la mouvement lent au relatif, mi majeur. On retrouve ici la délicatesse de Chopin, avec une graphie rappelant Balakirev.

Un dernier thème apparaît après un développement romantique puis agité autour de cette première idée, et il apparaît comme la réponse à ces errements. Il est emprunté à la liturgie orthodoxe et sera repris pour la conclusion de l'oeuvre.